mardi 2 février 2010

A force de lire divers questionnements sur la mort dans les blogs que j'aime lire, cela m'a ramenée à ma propre expérience de ce qui a pu s'en approcher, finalement d'assez loin d'ailleurs. Et à force aussi de m'interroger sur l'utilité d'avoir un blog, je pense que c'est un lieu propice à ce genre de réflexions, celles qu'on se fait tout seul à l'intérieur de sa tête. Je ne connais pas ceux qui vont me lire, je peux parler tout haut puisque ce que je dis ne les touchera pas personnellement.
Donc pour ceux qui ont manqué le début, j'ai été hospitalisée en urgence en neurologie il y a bientôt deux ans. Il y a eu de sérieuses inquiétudes sur le diagnostic qui finalement n'était pas si mauvais, une malformation artério-veineuse de naissance qui avait occasionné des saignements cérébraux et qu'on a opérée quelques mois plus tard. Mais en écrivant tout ça, je m'aperçois que ce n'est pas moi qui ai craint de mourir, mais ma famille et mes amis proches. C'est Olivier et les filles qui ont suivi minutes après minute les diagnostics, les craintes, les IRM, les artériographies, les EEG et compagnie. C'est lui qui a assisté à cette horrible crise convulsive généralisée dans le couloir des urgences. Je clame depuis cette expérience que je ne crois plus vraiment avoir peur de la mort, mais finalement je crois que j'ai beaucoup moins vécu toute cette angoisse que mes proches. Etre au centre de l'action, et accessoirement être un peu shootée, m'a fait traverser tout ça avec une sérénité trompeuse. Et maintenant que je connais les séquelles, même très acceptables, ma zénitude s'est un peu éloignée...
Néanmoins, il me semble quand même avoir globalement moins peur de la vie depuis que j'ai connu ces aventures. Avant j'avais toujours peur qu'il m'arrive quelque chose, ça va mieux depuis que quelque chose m'est arrivé. Et pendant plusieurs mois, j'ai goûté le simple plaisir d'être en vie sans souci particulier.
L'aspect le plus important de tout ça, c'est que cette expérience a fait que maintenant, ma plus jeune fille s'inquiéte pour son père plus que pour moi ! Elle m'en a expliqué la raison : même si elle avait déjà 16 ans quand c'est arrivé, elle pensait que les pères sont forts et indestructibles, toujours solides dans la tempête. Ce que son père a toujours été jusque là, contrairement à moi. Puis elle l'a vu ravagé d'angoisse pendant ma première hospitalisation, et surtout elle a vu qu'il avait pleuré pendant mon opération parce que je ne remontais jamais du bloc et qu'il a cru que c'était foutu. Personne ne lui disait rien (en fait le téléphone de la salle de réveil était en panne...), il a juste entendu qu'on me refaisait un scanner pas prévu après l'intervention (rupture du vaisseau cérébral pendant l'opération), elle a vu le père invincible de sa petite enfance fragilisé et je crois que ça l'a plus traumatisée que tout le reste.
Alors oui, je crois qu'il faut bien entourer ceux qui ont été proches de personnes en danger, bien les écouter, les laisser exprimer leur peur et leurs angoisses. Ils encaissent en silence, mais leur place est parfois bien pire que celle du malade. Je ne sais pas trop où je voulais emmener ce billet quand je l'ai commencé, mais je crois que l'essentiel est là. Et je me sens redevable envers Olivier et mes filles de ce que je leur ai fait subir, j'aimerais pouvoir effacer cette horrible angoisse qu'ils ont traversée et qui les a changés à jamais.

11 commentaires:

  1. C'est vrai que lorsque la vie ne m'intéresse plus guère, je pense à ceux qui m'aiment

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  2. Oui, en fait, c'est eux qui ont une face à face avec la mort.. mais peut-être que rétrospectivement, toi aussi :).

    Je comprends ta fille. Cette illusion de la toute puissance du père est tellement sécurisante !

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  3. Je partage tout à fait ton point de vue, l'impuissance des spectateurs de la souffrance des autres ont aussi besoin de sollicitude. Un beau billet, pas gai mais beau.

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  4. Avoir peur que l'être aimé disparaisse est une source d'angoisse que chacun d'entre nous a vécu , voir la souffrance et la faiblesse est aussi destabilisant , on croit toujours que les autres sont plus forts , hélas , on a tous nos faiblesses

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  5. Je retiens de ton message quelque chose d'important: c'est que les proches vivent des choses qu'il ne faut pas minimiser...
    Ta fille en est un exemple parlant:je suppose que vous lui avez permis d'exprimer son ressenti, à la fois par rapport à la peur de te perdre, mais aussi par rapport à la peur de "perdre" un père qui semblait si fort...
    C'est un billet très juste et fort que tu écris là... dont je voudrais te remercier

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  6. c'est sans doute ton billet qui m'a fait penser à la trace qu'on laisse...

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  7. "Avant j'avais toujours peur qu'il m'arrive quelque chose, ça va mieux depuis que quelque chose m'est arrivé."
    voilà ce que j'appelle du bon sens.

    Ce matin j'ai écrit un billet qui sans le savoir fait écho au tien. Comment on voit ses parents.

    Ils ont eu peur pour toi comme on a peur pour la vie d'un être cher...attends ah oui je sais ça s'appelle l'amour ;-)

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  8. Ne culpabilise pas de ce qu'ont vécu tes proches lors de ton opération. L'avais-tu choisie cette malformation de tes artères ? As tu fait exprès de tomber malade ? Bien sur que non. Normal que tu aimerais pouvoir effacer l'horrible angoisse qu'ils ont vécu, mais tu n'es redevable de rien. Tu sais que s'il le fallait tu assurerais envers eux comme ils l'ont fait avec toi. Je crois que le plus étrange pour toi est le décalage entre ce que tu as vécu de cet épisode et ce qu'ils en ont ressenti., il y a eu comme un accroc quand tu as eu ce pépin, et otu le tissu familiel s'est resséré autour de toi, cette cicatrice est le témoin de votre histoire commune.

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  9. J'aime cette idée d'interaction entre les blogs. J'ai été inspirée par Lanfeust55 et Coumarine, ça a inspiré Marie-Madeleine et tout ca a fait écho chez celles qui nous ont lues puisque le sujet est universel.
    Et j'aime bien la formule de Pierreline "le tissu familial s'est resserré autour de toi, cette cicatrice est le témoin de votre histoire commune". C'est vrai, et comme toute cicatrice, à la fois on finit par s'y attacher comme une part de nous, et en même temps elle fait encore mal parfois.

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  10. oui! tu as raison:l'interaction entre les blogs est riche, et produit de nouveaux billets...
    J'aime beaucoup ça aussi
    On fait partie d'une chaine d'humanité...

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  11. je suis "l'accompagnante", j'ai tellement aimé ce texte que j'aurais voulu écrire que je l'ai fait lire à mon Homme...

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