Dans mon département, comme dans tous sans doute, il y a un hôpital psychiatrique dont le nom à lui seul est une menace. Il porte un nom de lieu et quand on dit "untel est à R.", c'est comme dire qu'il est à Ste Anne pour Paris ou à St Venant pour le Pas-de-Calais, ça veut tout dire.
Tous les ans, quand j'étais à l'école de musique, nous allions passer un après-midi avec les enfants de cet hôpital. Nous prenions le bus avec nos instruments puis installions nos pupitres dans une grande salle. Ensuite, nous faisions un concert de musique de chambre pour les enfants et quelques soignants qui les accompagnaient.
Puis venait le moment du goûter pris tous ensemble. Je me souviens de salade de fruits en conserve accompagnée de gâteaux en forme d'éventail. Nous faisions connaissance avec nos voisins de table et finissions l'après-midi en discutant entre jeunes.
J'imagine que les enfants qui venaient nous voir étaient sélectionnés parmi les cas les moins graves ou les plus calmes. J'étais jeune et je ne connaissais rien du monde de la psychiatrie. Peut-être y avait-il quelques anorexiques, des dépressifs, des trisomiques, des enfants un peu handicapés mais sans rien de très choquant pour des gens venant de l'extérieur.
Je me souviens d'avoir discuté avec un garçon au sujet de nos chanteurs préférés et nous avions fait le projet de nous échanger des posters de nos idoles de l'époque.
Je me souviens surtout d'une question qu'il m'a posée. "Et toi, tu retournes chez tes parents tous les combien de temps ?". Je ne me rappelle plus ma réponse, j'ai dû noyer un peu le poisson pour ne pas l'attrister, mais je n'ai jamais oublié sa question. Un peu comme celle du type qui regarde au-dessus du mur de l'asile où il est enfermé et demande "vous êtes combien là-dedans ?". Toujours la question de savoir de quel côté du mur on est, finalement.
J'ai eu une grand-mère dépressive et bipolaire (enfin c'est ce que je pense avec le recul, elle est morte il y a plus de 30 ans). Nous allions lui rendre visite le dimanche dans de coquettes cliniques psychiatriques. Elle portait de jolies robes à fleurs offertes par ma maman, sa belle-fille, elle était assise sur un banc, elle souriait, l'air ailleurs. Je n'ai jamais su si elle était contente de nous voir ...
RépondreSupprimerC'est une très bonne expérience que tu n'aurais pas eue sans musique ! C'est un peu le côté magique et philantropique de la musique : jouer pour les autres. Quand te remets-tu de nouveau à L'alto ?! ;o)
RépondreSupprimerCes enfants me bouleversent...
RépondreSupprimerLa chanson de Bécaud me vient aussitôt à l'esprit, il y a toujours un côté du mur à l'ombre. Une belle expérience et les biscuits en forme d'éventail sont comme la madeleine de Proust.
RépondreSupprimerAyant travaillé en HP et en milieu carcéral je me souviens m'être demandé qui était patients/détenus et qui étaient soignants/surveillants...
RépondreSupprimerQuand on a en face de soi des enfants, la question ne se pose pas bien sûr.
Ces milieux fermés peuvent faire peur et des enfants en HP ça devient rare, heureusement.
Beaucoup de ces enfants se calment dès que la musique douce se joue et parfois on peut voir aussi une joie intense dès que le rythme s'accélère , ils sont sensibles à l'ambiance environnante
RépondreSupprimerJ'ai fait des études de psychologie avec des visites et études de cas à Sainte Anne. j'avais 20 ans et ça m'avait terriblement impressionnée. Je suis allée rendre visite à une ex-collègue instit hospitalisée à Maison Blanche,c'était l'an passé et je ne peux oublier!
RépondreSupprimerFaut croire que c'est toujours d'actualité, ces croisements musique/lieux de soins, nous allons bientôt faire une répé de concert avec le choeur du conservatoire dans une clinique psy pour adultes. Les accords du gloria de Poulenc auront-ils un effet apaisant ou réjouissant?
RépondreSupprimerEt il faut si peu pour passer de l'autre côté du mur...
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