Tu es jeune, tu habites avec ta famille dans un pays chaud et plein de soleil. D'accord ce n'est pas le paradis, le climat politique est parfois tendu et ton avenir n'est pas forcément sans nuage, surtout si tu ne connais pas les bonnes personnes ou n'appartiens pas à la bonne ethnie.
Alors tu décides d'aller étudier en France, parce que là-bas les diplômes valent quelque chose, tu auras un poste intéressant quand tu reviendras au pays. Mais en attendant tu débarques à Paris - après la rentrée parce que tu n'as pas pu avoir de vol avant. Ton frère ou ton cousin viennent te chercher, ils ont fait le même chemin que toi quelques années auparavant et ils vont t'aider. Ils t'accompagnent jusqu'au bled improbable dans lequel tu as été accepté. Avant de repartir, ils t'aident à trouver les papiers que tu cherches dans la pochette où tu as casé toute ta vie, tes diplômes, ton passeport avec ton visa, les courriers divers et tu t'inscris à l'université. Sauf que tu n'as pas encore de compte bancaire et que tu ne peux pas payer. Donc tu es autorisé à aller en cours mais tu dois revenir régler dès que ton compte est ouvert.
Le dernier que j'ai vu s'appelle Cyr, il arrive du Congo et a un studio dans lequel il n'y a rien je crois. Il avait un matelas gonflable sur lequel il n'arrivait pas à dormir et qu'il a finalement dégonflé. Je lui ai avancé un peu d'argent pour qu'il aille profiter d'une promo sur les matelas à 35 euros au discount du coin, en essayant de lui faire comprendre sans avoir l'air de lui faire l'aumône que ce n'était pas grave s'il ne remboursait pas. Quelques jours plus tard, je lui ai demandé s'il voulait une couette et il a dit oui tout de suite, il avait crevé de froid le dimanche d'avant. Et là je me dis qu'il n'a encore rien vu, parce qu'il a devant lui tout un automne et tout un hiver bien pourris comme on sait les faire dans ma région.
Avec une collègue, en plus de deux couettes, on a trouvé des draps, des serviettes et un oreiller à lui filer. Achetés aux frais de l'université pour des profs à une époque où ceux qui venaient de loin pouvaient bénéficier de chambres meublées douillettement. Pratiquement rien n'a jamais été utilisé, les draps sont encore rugueux, tout neufs. Je lui ai apporté une double plaque de cuisson qui était à ma fille et dont elle n'a plus besoin. Quand je pense à mes deux filles étudiantes confortablement installées dans un studio tout confort avec les parents prêts à faire un virement au moindre problème, je sens comme un décalage un peu gênant.
Je suis triste pour tous ces étudiants africains. Le billet coûte 2000 euros et ils ne rentrent pas chez eux de toutes leurs études. Ils ne trouvent pas de job d'été parce dans mon coin, il y a très peu de Noirs et les commerçants craignent que ça fasse mauvais effet auprès de la clientèle. Ils ont du mal à trouver un stage d'études pour les mêmes raisons.
Et en plus il fait froid...
Je crois que les dons comme ça "en direct" sont peut-être plus bénéfiques que l'argent donné à une association. Enfin l'idéal est certainement de pouvoir faire les deux !
RépondreSupprimerIl a de la chance de tomber sur Hermione la généreuse.
RépondreSupprimerFranchement non Mab, j'ai hésité à écrire ce billet parce que j'avais l'air de me donner le beau rôle. Or je n'ai pas fait grand chose, beaucoup feraient sûrement plus que moi.
RépondreSupprimerMon cœur se serre en te lisant. Beaucoup de nos jeunes sont obligés de travailler pour payer leurs études alors on n'imagine même pas le sort de ceux qui viennent de loin pour étudier chez nous. Va, avec tes collègues vous lui apportez déjà un peu de chaleur ...
RépondreSupprimerDis moi ce dont il aurait besoin pour améliorer ses conditions , j'ai stocké des choses : et quelle est sa stature ?
RépondreSupprimerOn prend à la face notre richesse et le luxe dans lequel nous vivons.
RépondreSupprimerDans le genre, quand le regard tombe sur les souliers des gens, surtout en hiver, on comprends parfois beaucoup de choses.
Moi je donne des sacs de vêtements, avec un "vous connaissez peut-être quelqu'un que cela peut intéresser. ou même pour vous, hein, servez vous".
L'aide direct est si précieuse.
Après ça on relativise nos difficultés... Mais pourtant ne serait ce pas mieux de rester au pays au milieu des siens, dans sa culture et au chaud, que misérable ici ? A mon boulot je vois toute la journée des réfugiés politiques, bcp de congolais dans mon coin, ils ont droit à une allocation temporaire d'attente, et après ? Le monde est moche...
RépondreSupprimer@Brigitte : je ne sais pas trop ce dont il manque, il est très discret. Il m'a dit avec un sourire "je vis comme un musulman pendant le ramadan"... Je pense qu'il n'a pas de vêtements assez chauds. C'est un jeune homme qui a dans les 22 ans, mince, pas spécialement baraqué ni très grand... Désolée, je n'ai pas du tout été observatrice sur ce coup là !
RépondreSupprimerSi tu peux lui demander sa taille et sa pointure , on peut faire fonctionner un réseau de copines .
RépondreSupprimerPoignant ce post, beau geste aussi.
RépondreSupprimerLa situation de ces étudiants est dramatique, la situation de certains "nouveaux arrivants" l'est tout autant.
Il y aurait tant à dire, à écrire. Être en prise directe avec certaines de ces réalités donne envie de faire la révolution...
@Brigitte : il mesure 1.72m et pèse 65 kg tout mouillé. Sa taille de pantalon pour les jeans est le 32, je ne sais pas ce que ça fait en taille française et il ne savait pas non plus. Et j'ai oublié la pointure, je lui redemanderai. Mais il m'a confirmé qu'il lui fallait des choses chaudes, il était en chemisette tout à l'heure.
RépondreSupprimerOui ma chère voisine, c'est peut-être le moment de faire marcher le réseau... Tout à l'heure je lui ai donné plusieurs verres donnés par une copine, il les a pris avec plaisir.
J'ai demandé à une amie , je te tiens au courant , mes hommes font 1,82 m , des échalas !
RépondreSupprimerJe venais d'écouter la chanson "Bien mérité"... j'espère que cet étudiant parviendra à s'en sortir avec l'aide de la solidarité et peut-être d'une bourse ??
RépondreSupprimerQuel décalage! J'ai connu beaucoup de difficultés de ce genre lorsque je travaillais en ZEP; heureusement que la solidarité de proximité existe!et tant pis si certains croient que tu te donnes le beau rôle, tu agis et c'est super!
RépondreSupprimerÇa y est, il fait froid. J'espère que ce jeune homme a le nécessaire.
RépondreSupprimerHermione , ma copine me dépose un vestiaire samedi 22 octobre en début d'après -midi , peux tu me contacter ? brimuringer@voila.fr
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