samedi 27 mars 2010

Ça y est, je suis allée chercher mon étudiante à la clinique ce matin et je l'ai ramenée chez elle après un saut à la pharmacie. Chez elle, enfin dans la cité universitaire excentrée où la gentille municipalité de ma ville parque les étrangers. Ce sont surtout des Gabonais et des Chinois perdus à des milliers de kilomètres de chez eux, et qui bien sûr ne rentreront pas aux grandes vacances parce que l'avion est trop cher. Du moins pour les Africains, je crois que nos Chinois sont plus fortunés.
Je les plains d'être dans ma ville. Vu sa taille modeste, il n'y a aucun magasin leur permettant d'acheter le manioc et les autres ingrédients qui sont la base de leur cuisine. Il faut aller à la grande ville universitaire qui se situe à une heure de train et ils n'en ont pas toujours l'occasion ni les moyens. Et ici, comme il y a très peu de Noirs, ils ont beaucoup de mal à trouver des stages pour leurs études ou des jobs de vacances. Le Front National était toujours présent au deuxième tour des régionales, ça donne une idée de l'état d'esprit de certains.
J'ai regardé le profil de mon étudiante sur F@cebook (il va falloir que je lui dise que tout le monde peut y accéder, encore une victime de FB) et une phrase qu'elle mettait à une de ses sœurs restée au pays m'a glacé le sang. Lui expliquant ses difficultés pour avoir un vrai diagnostic malgré ses visites répétées à l'hôpital ou chez le médecin, elle a écrit "je suis un peu malade, il n'y a que la prière qui m'aide, parce que dans les hôpitaux ici, c'est comme un péché d'être Noire, tu comprends ?".
C'est là qu'on est fier d'être Français...

mercredi 24 mars 2010

Rien de spécial à raconter. Fait beau, les oiseaux chantent, cui cui.
Ah si, j'ai appris lundi qu'une de nos étudiantes venant du Gabon avait été opérée d'urgence en fin de semaine dernière pour une infection gynéco un peu moche. Sachant qu'elle n'a aucune famille sur place, je l'ai appelée pour savoir si elle avait besoin de quelque chose. Comme elle est un peu timide, j'ai joué à fond la carte maternelle genre "j'ai deux filles de votre âge, dites-moi s'il faut vous laver du linge ou vous apporter quelque chose, je sais ce que c'est". Elle a accepté tout de suite et m'a dit qu'il lui fallait une chemise de nuit. Comme je lui ai donné mon numéro de portable, elle m'a ensuite envoyé un sms me demandant aussi un gant de toilette et des serviettes périodiques.
Pauv' poulette ! Du coup je suis sortie plus tôt, je lui ai acheté deux chemises de nuit, des culottes, une brosse à dents, des SP (c'est le nom de code à la maison), j'ai pris des gants de toilette chez moi, des petits savons parfumés et j'ai filé à l'hôpital lui apporter tout ça. Trois jours après l'opération, elle était toujours vêtue de la ravissante chemise jetable ouverte dans le dos. Il était temps de s'en occuper !
Mais en fait, ce qu'elle a le plus apprécié dans mon petit sac, c'est Gala et Glamour ! Et aujourd'hui, elle a demandé à la prof qui va lui rendre visite de lui en apporter d'autres du même style. Je trouve ça mignon et puis ça veut dire qu'elle va mieux, alors je suis contente. On devrait toujours penser à l'inutile, au futile, au joli, au rigolo, au "juste pour le plaisir" surtout quand tout n'est pas rose autour. Un peu de douceur dans ce monde de brutes, en quelque sorte.

lundi 15 mars 2010

Chat-lopard !


Hier à midi, nous déjeunons en devisant gaiement comme à notre habitude ma moitié et moi-même. En l'espace d'une seconde, je vois un gros chat tigré qui atterrit sur l'appui de fenêtre. Le temps que je me dise "mais quel est ce gros chat tigré ?", il se tourne dos à la fenêtre. Le temps que je me dise "on voit drôlement bien le petit trou de son c.. sous cet angle", un jet est projeté vers le haut sur la fenêtre. Et le temps que je me dise "non mais je le crois pas, il a pissé contre la fenêtre", il s'était sauvé !
Tout ça pour impressionner notre mémère Pistache qui a 14 ans et n'entend plus l'appel de ses hormones depuis belle lurette, surtout qu'on l'a fait opérer dans ses jeunes années.
Et là je me dis, le comportement des mâles est quand même globalement crétin...

samedi 13 mars 2010


Je réfléchis beaucoup en ce moment sur l'Afrique du Sud. Juste en fait parce que j'ai lu un roman policier d'un auteur de ce pays pendant nos petites vacances et j'ai réalisé que j'en ignorais tout. Je crois que je m'imaginais que tout était bien depuis la fin de l'apartheid et Mandela sorte de dieu vivant dans le monde entier. Dans ce livre que j'ai lu de Deon Meyer, j'ai été frappée par le fait que chaque personnage qui apparaissait dans l'histoire, même dans un rôle très mineur, était caractérisé par son ethnie d'origine et sa couleur. Les noirs, les blancs, les métis, les zoulous, tous plus ou moins en rivalité les uns avec les autres, notamment à cause des quotas d'intégration qui font que chacun juge que l'autre a pris sa place pour cause de quota plus favorable. Et les subtilités du choix de la langue dans laquelle les gens s'expriment dans un pays comptant onze langues officielles.
Et hier, je suis tombée par hasard sur un documentaire passionnant sur l'Afrique du Sud sur TV5 (qui rediffusait en fait une émission de France 2 "Un oeil sur la planète"). La misère incroyable des townships côtoie les villes fortifiées entourée de barbelés électriques où vivent les riches dans leurs maisons de 700 m2. Comme souvent dans les pays dévastés, les mères essaient de sauver ce qui peut l'être, celles sont les fils sont morts de la violence armée, du sida ou de la drogue tentent de lutter par la parole, la danse, le chant, l'amour. La fin de l'apartheid a en quelque sorte privé les jeunes de la "Born free generation" de cause à défendre et ils n'ont aucune perspective d'avenir.
Je me sens naïve d'enfoncer tant de portes ouvertes, mais je crois que j'ai un peu avancé dans ma prise de conscience de tout le mal que les blancs ont fait au continent africain à travers leurs rêves colonisateurs. L'Afrique du Sud est le pays le plus riche d'Afrique, mais certainement pas au profit de tous ses habitants.

lundi 8 mars 2010

The times they are a-changin'

Je suis d'une génération intermédiaire. Née fin 1962, toute mon éducation hormis la petite enfance s'est faite après 1968. Mais mes parents avaient 40 ans à ma naissance, nés dans les année 20 donc, et étaient très conservateurs. J'ai perpétuellement essayé de trouver un équilibre entre la société dans laquelle je vivais et les principes de mes parents, pour qui mai 68 avait été un grand traumatisme.
Mes frères, ma sœur et moi avons eu la grande chance de ne pas habiter dans une ville universitaire. Ça nous a permis de partir après le bac et de ne pas avoir à rendre de comptes sur nos sorties ou nos fréquentations. Mes frères ayant 10 et 8 ans de plus que moi, ils avaient contribué à faire évoluer la mentalité de mes parents lorsque ma sœur, qui a 4 ans de plus que moi, a commencé à leur parler de son copain. Elle devait avoir 22 ans et vivait à Paris. Je me souviens que ma mère m'a demandé d'un air un peut timide "tu crois qu'ils vont vivre à la colle" (expression poétique s'il en est) et je suis partie d'un éclat de rire en lui disant qu'à mon avis, ça faisait un moment que c'était le cas. Et lorsqu'elle a amené son chéri à la maison, c'est tout naturellement qu'on leur a préparé une chambre commune. Et tout a été encore plus facile pour moi, naturellement.
La sœur aînée de mon mari a elle aussi contourné la difficulté en allant étudier ailleurs. Mais ma belle-mère a préparé des chambres séparées quand elle leur a amené un fiancé. Et mon autre belle-sœur, née en 1954, s'est fait traiter de fille de rien quand elle s'est installée avec celui qui est toujours son mari aujourd'hui. Je crois que le mot de prostituée a été prononcé et ma belle-mère a refusé de la voir pendant un moment. Le plus absurde est que ma belle-mère s'est mariée enceinte en 1950, mais les apparence étaient sauves puisque cela ne se voyait pas. Et je crois que personne n'a jamais osé lui en parler parmi ses enfants, c'est dire le poids du non-dit.
Toute cette longue entrée en matière pour dire que je pensais à tout ça la semaine dernière, en repassant un grand pull bleu carrément masculin que ma fille avait glissé dans le panier à linge. Puisqu'elle était là avec son chéri (charmant au demeurant, ouf !), elle lui avait tout naturellement suggéré de mettre son pull au lavage. Et je me disais que tout était tellement plus simple de nos jours. Plus besoin de mentir à ses parents, au moins par omission comme je l'ai beaucoup fait, les choses se font naturellement.
Les discussions que j'ai eues avec mes filles sont à la fois franches et pudiques, dénuées de non-dits mais non de délicatesse. Loin des dialogues que je me souviens avoir lus chez Benoîte Groult, où la mère prend un bain avec ses jeunes filles (faut une grande baignoire) en débattant sur le thème "doit-on avaler après une fellation". J'avais trouvé ça choquant et déplacé, je le trouve toujours. En revanche, nous avons parlé de préservatifs, de pilule, de sida, d'amour bien sûr, avec le brin de pudeur qui s'impose entre mère et fille.
Et un sourire me monte toujours aux lèvres quand je pense au moment où ma plus jeune fille, alors âgée de 16 ans environ, m'a dit "t'inquiète pas, tu le sauras quand je LE ferai pour la première fois". Et effectivement, elle me l'a écrit dans une petite lettre que j'ai toujours.
Oui les temps ont changé, et ça fait du bien !