Quand j'étais petite, nous passions toutes nos vacances dans la vieille maison de famille à la campagne. Au dernier jour d'école (pour tout le monde, mes parents étant professeurs), nous sautions tous les six dans la voiture et en route pour la liberté ! En vieux short du matin au soir, les genoux griffés, nous passions nos journées à jouer, lire et relire des livres qui sentaient le vieux papier un peu moisi, suivre le fermier qui allait nourrir les veaux, aller en expédition au ruisseau, faire des modelages en terre que ma mère faisait cuire dans l'antique cuisinière à bois en faïence décorée de fleurs, faire des tours en vélo. Lorsque nous allions cueillir des mûres, nous mettions de vieux habits trouvés au grenier pour protéger nos propres vêtements des ronces. Je finissais toujours par faire tomber mon pot et toutes les mûres roulaient sur le sol (on ne dira jamais assez comme c'est dur d'être la plus petite !). Puis ma mère faisait de la gelée qui parfumait toute la maison. Elle me mettait une immense serviette de table blanche qui m'arrivait au moins aux mollets pour manger les crêpes à la gelée de mûres qui n'était jamais tout à fait assez prise et dégoulinait inévitablement.
Nous finissions la journée sales de la tête aux pieds. Mon père faisait alors du feu dans la chaudière à bois de la salle de bain, qui faisait chauffe-eau, et nous prenions notre bain. Je me souviens m'être un jour légèrement brûlé la fesse en touchant le chauffe-eau pour monter dans la baignoire ! En fin d'été, quand il faisait un peu frais, ma mère posait nos pyjamas sur l'espèce d'étagère en haut du poêle et nous avions le plaisir d'enfiler un vêtement bien chaud.
Et puis soudain, nos parents s'absentaient de temps à autre une journée pour retourner dans la ville où nous habitions. Ils allaient chercher les livres scolaires commandés pour les quatre enfants à la librairie, relever le courrier, s'occuper des choses à faire avant la fin des vacances. Et là je commençais à sentir cette obscure angoisse de la fin des vacances, celle qui annonce l'horrible mois de septembre et ce moment détesté entre tous : la rentrée !
Voilà pourquoi à 46 ans, je coupe la radio dès que j'entends le mot "rentrée" et je contourne largement les rayons scolaires dans les magasins. Parce que à l'heure où j'écris ces mots, je continue à sentir cette boule au ventre quand arrive la fin du mois d'août et qu'il va falloir dire adieu aux genoux couronnés, aux shorts déchirés et à la liberté.
Des vacances qui fleurent la nostalgie, une rentrée redoutée, je reviendrai.
RépondreSupprimerMab.