L'esprit de Noël, c'est le partage, l'intention de faire plaisir, les kilomètres qu'on fait volontiers dans la neige pour trouver LE cadeau qui touchera. C'est une ombrelle crème ourlée de dentelle pour quelqu'un qui se rêve en Françoise Fabian dans "Les dames de la côte" et à qui le premier rayon de soleil donne des taches de rousseur. C'est une étole fuchsia pour quelqu'un qui avait envie de couleurs vives et qui aime s'enturbanner dans de la soie. C'est un châle vieux rose pour quelqu'un qui aime s'enrouler dans des étoffes douces quand tout est blanc aux alentours. C'est un pot de confiture faite maison qui sent bon tous les parfums de Noël en Alsace.
Mais ce n'est SURTOUT pas le dernier Virginie Despentes acheté juste parce qu'il a obtenu un prix littéraire pour une obscure raison. En plus chère belle-maman, vous tomberiez à la renverse si vous commenciez à le feuilleter, je crois que votre pudeur en serait offusquée ! Je vous ai offert la biographie de Madame de Gaulle pour votre anniversaire et vous l'avez adorée. C'est votre génération, ça réhabilite une femme de l'ombre dans laquelle vous vous êtes sans doute un peu reconnue. C'est ce que j'appelle un cadeau, quelque chose choisi pour une personne en particulier parce qu'on pense vraiment que ça lui correspond.
Je crois que je vais ranger mon prix Renaudot avec mon horrible vase couleur gadoue, avec mon autre vase-bougie dans lequel une fleur en plastique flotte au milieu de la paraffine (je l'ai fait tomber un jour, c'est le piano qui a souffert mais pas le bibelot), pas très loin de mon tablier de cuisine que j'utilise, si si, et loin des autres vases que j'ai malencontreusement brisés alors qu'ils n'étaient pas si moches que ça.
Le pire est que ma belle-mère est une personne gentille qui, je crois, m'aime plutôt bien même si elle me répète souvent qu'elle reprend son fils illico si je n'en veux plus. Je l'aime bien aussi, elle est discrète et ne s'est jamais permis le moindre commentaire sur notre mariage civil ou le fait que nos filles ne soient pas baptisées, elle qui est catholique pratiquante.
C'est juste que nous n'avons pas la même vision du sens du mot cadeau. Pour moi, le plaisir de choisir est réel et anticipe le plaisir de celui qui le recevra. Pour elle, c'est une obligation à remplir. Je ne lui tiens pas du tout rigueur de cette divergence de vue, elle a bien d'autres préoccupations à 82 ans.