Quand je lis l'enthousiasme que procure la musique à Soumarine (je ne mets pas le lien, je ne sais pas trop si elle souhaite garder un certain anonymat ou non), je me dis que mon éducation musicale a été un vrai gâchis.
Mon père venait d'une famille où on aimait la musique, il avait appris le violoncelle et avait une grande culture musicale. Malheureusement, mon frère aîné chantait faux et après qu'il eut essayé le piano et la clarinette, on décida de ne pas insister. En revanche, mon autre frère avait l'oreille absolue et jouait très bien du violoncelle. Il a même joué sous la direction de Sir Georg Solti quand il faisait ses études à Chicago et il joue du piano d'oreille, ce qui lui permet de massacrer toutes les chansons qu'il aime en chantant très fort et en s'accompagnant au piano, ce qui lui a toujours valu un grand succès auprès de mes filles quand elles étaient petites. Vint ensuite ma soeur, que l'on mit au violon.
Et puis comme d'habitude, qu'est-ce qu'on va faire de la petite dernière ? Pas le piano, il y a trop de pianistes et il n'en faut qu'un par orchestre (moi ça m'aurait plus, m'enfin passons...). Pas de violoncelle ni de violon, on a déjà. Et voilà comment je fus désignée d'office pour jouer de l'alto. Vous savez, l'alto, cet instrument peu connu dont le rôle consiste essentiellement à assurer les basses sans jamais avoir le chant (celui qui fait les mêmes notes pendant tout le canon de Pachelbel pendant que les violons s'amusent à sautiller gaiement...), celui pour lequel presque rien n'a été écrit et pour lequel on transpose des pièces écrites pour le violoncelle, celui qui a l'insigne honneur de jouer en clé d'ut troisième parce que c'est plus chic et qu'on adore apprendre à lire une nouvelle clé en plus de la clé de sol et de la clé de fa.
Malgré tout, je suis une bonne gamine et j'ai donc souffert sur les bancs de l'école de musique pendant onze ans, entre la théorie musicale, la musique d'ensemble, les cours d'alto et même l'orchestre le samedi soir à la fin. Le directeur de l'école de musique nous terrorisait, il avait des sourcils très fournis à la Pompidou, le nez fort et des petits yeux perçants. Mes parents le surnommaient "le bovin", à ne pas confondre avec "le biquet" qui était notre marchand de musique. C'est le directeur qui faisait passer les examens, il fallait l'appeler Monsieur le Directeur et on tremblait à l'approche des examens. J'aimais beaucoup le rythme et ne tombais pas dans le piège des syncopes (là où il faut lire ta ta-a ta parce que la note est à cheval sur deux battements musicaux) mais je détestais les dictées musicales. Par chance, au moins dans les petites classes, le professeur était un très vieux monsieur gentil comme tout et qui ne sentait malheureusement pas très bon. Il cachait soigneusement sa main droite sous une partition pour jouer la mélodie que l'on devait transcrire en notes, afin que personne ne triche. Mais comme il était très myope et que la dictée était écrite en énorme sur une feuille qu'il installait sur le pupitre du piano, nous avions miraculeusement tous d'excellents résultats.
Tout ça pour dire que j'ai gentiment fait de la musique du CE1 à la terminale. A la fin du dernier cours, j'ai rendu mon instrument puisqu'il m'avait été prêté par l'école. Et je n'ai plus jamais touché un alto depuis. J'ai toujours beaucoup de mal à entendre de la musique jouée de façon approximative, ça me rappelle ces années où j'aurais sans doute dû m'opposer plus fermement à mes parents. En revanche, le son du violoncelle m'émeut terriblement, ce qui fait que je ne le supporte guère plus. C'est bête tout ça, non ?